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En tant que réfugiée de la guerre d’Espagne, Aïda fut élevée en France par deux familles : sa famille espagnole de naissance et sa famille Française, qui l’avait accueillie. Son amour du langage et des Arts l’ont guidée dans une vie riche en créativité. Elle a écrit et illustré des livres pour enfants et élevé trois enfants à Ottawa, au Canada. Avec le passage du temps, sa vue a baissé mais Aïda continue de s’entourer de beauté.
Commençons par votre enfance, j’imagine que vous ne vous souvenez pas trop de l’Espagne puisque vous étiez très jeune quand vous êtes partie. Mais quelles ont été vos premières expériences en tant que réfugiée de la guerre d’Espagne ?
Oui en effet, je suis arrivée en France à l’âge de trois ans. C’était un moment très dur dans la vie de mes parents : ils étaient mariés seulement depuis quatre ans. Ils étaient très heureux mais mon père était très impliqué dans la défense du gouvernement légal de l’Espagne. Au moment de la guerre d’Espagne, quand il a vu que les choses étaient perdues, il est resté en arrière pour essayer de détruire tout ce qui aurait pu impliquer les personnes les plus en danger d’être prises et fusillées.
Il avait eu vent d’un avion qui venait du Maroc et c’était le dernier qui allait s’arrêter à Alicante.
Nous habitions à Valencia. Il a réussi à nous trouver une place dans cet avion et maman et moi sommes partis.
Ce n’était pas très difficile pour moi. Je n’ai pas beaucoup de souvenirs de là-bas, sauf que j’étais très heureuse… et, tout à coup… j‘étais propulsée, sans que je m’en rende compte, dans cet avion. L’avion a atterri à Toulouse et on nous a éventuellement emmenées dans un refuge où on mettait tous les réfugiés qui arrivaient d’Espagne. Pour moi ce n’était pas du tout dur parce que c’était nouveau, mais maman pleurait tout le temps. Alors je disais : « Maman, il faut pas pleurer, pourquoi tu pleures ? pourquoi tu pleures » ? et elle me disait : « C’est rien, c’est rien » … et elle me disait encore : « Tu vas revoir ton papa » … et tout ça. J’étais bien là, au refuge. On nous amenait à manger et on s’occupait très bien de nous.
Mais c’était en 1939, juste au moment où la guerre allait éclater. Il y avait une famille française qui est venu nous visiter et voir comment elle pouvait aider les réfugiés. Il y a eu tout de suite connexion entre nous ! Ils avaient des garçons et ils avaient toujours voulu une petite fille. La maman espérait toujours tomber enceinte. Alors, elle a vu tout à coup une petite fille qui parlait sans arrêt et elle a été touchée… Et puis maman avait l’air si seule… Finalement, ils nous ont invitées à la maison et ça a été le coup de foudre : des grands parents, d’autres enfants… Moi, j’ai vu un petit lit et quand personne ne regardait, je me suis couchée dedans. Et ça c’était incroyable ! Je trouvais tout bon, je disais : « Ah ! c’est bon ici ! C’est mieux qu’au refuge ! » Et puis, le fait que je me sois couchée dans ce lit, que je me sois endormie… Le mari a dit : « Écoutez Madame, ma femme a toujours désiré avoir une sœur, est-ce que vous voulez être cette sœur ? Je veux que vous veniez à la maison avec nous, pas pour nous aider, ni être une servante ou quoi que ce soit, mais pour être la sœur de ma femme et vivre avec nous. » Bien sûr, la guerre avait éclaté entre temps et maman a finalement accepté, parce qu’elle a senti que c’était vraiment sincère. Grâce à cette famille, un an après quand mon père a pu s’échapper d’Espagne et a été envoyé au camp d’Argelès-Sur-Mer, cette famille a fait des pieds et des mains et a réussi à le faire sortir.
On est resté tout le temps de la guerre chez eux à Toulouse. Ce n’était toujours pas difficile pour moi par ce qu’ayant quitté ma famille d’Espagne j’avais trouvé une famille en France, avec deux sets complets de grands-parents, avec une nouvelle maman qui s’ajoutait à la mienne, un papa qui s’ajoutait au mien et qui le remplacerait pendant une année, un frère, des cousins… toute une famille. C’était la fusion totale ! D’ailleurs, c’est toujours vraiment ma famille, et je fais maintenant la généalogie pour eux.
Moi qui aimais tellement les histoires, j’étais à l’école à 4 ans et, extraordinaire, je trouve là toutes les choses que j’aime. Moi qui dessinais par terre avant de marcher, selon maman, j’arrive à l’école et j’avais des crayons, du papier, on découpait, on me parlait, on chantait des chansons : j’adorais ça, chanter ! Alors, c’était merveilleux ! A la maison tout cet amour, tout ce cocon autour de moi… c’était aussi merveilleux ! Les mots, j’adorais tout de suite ! Je voulais apprendre à lire… Partout je disais : « mais qu’est-ce qu’il y a d’écrit là, qu’est-ce qu’il y a d’écrit » ?
Et puis mon père arrive un an après avoir été caché en Espagne. Il est tellement heureux ! Mais tout d’un coup il voit cette petite fille qui avant parlait sans arrêt en espagnol et qui, là, parle maintenant en français à tonton Barthélémy ! C’est un choc ! Et moi, je le regarde, je ne le reconnais pas non plus parce qu’il a maigri, qu’il a une barbe — lui, que je voyais toujours avec sa chemise blanche — et tout d’un coup tout ça était terrible ! Alors j’étais un peu appréhensive. Mais justement, il a vu que j’aimais beaucoup les mots et il m’a dit : « Je vais t’apprendre à lire ! » Donc j’ai appris à lire en espagnol avec papa et en français, à l’école.
C’était des années difficiles : mon père avait été pris et a dû travailler à Bordeaux pour les allemands. Toulouse a été bombardée mais maman et moi on se trouvait dans notre nouvelle famille, avec qui nous étions plus liés que par le sang. Nous étions liées d’abord par notre humanité, par un amour vraiment inconditionnel, et par l’amitié qui avait grandi entre nous.
Tout cela a fait que pour moi, en plus d’avoir des parents qui s’aimaient beaucoup et de ma grand-mère qui était si amoureuse de son mari et si désolée de l’avoir perdu… quand j’ai rencontré l’Église, cela a été tout ce en quoi je croyais depuis toujours : que l’amour est éternel et qu’il y avait une vie après la vie — bien sûr !
C’était tellement extraordinaire la façon dont j’avais été élevée par mes parents. Mes parents ne buvaient pas, ne fumaient pas et mon père avait dit un jour : « On devrait jeûner une fois par mois, ça serait meilleur pour la santé ! »
Mes parents avaient tellement souffert de l’Église catholique en Espagne qu’ils étaient antireligieux. Mon papa était athée mais il s’est toujours soucié de son prochain. Tout ce qu’il faisait était pour le bien-être des gens qui vivaient et qui viendraient après lui. Pour ses enfants et ses petits-enfants qu’il connaîtrait, ou qu’il ne connaîtrait pas, et pour que le monde soit meilleur. Alors j’ai vraiment eu la meilleure des éducations.
Comment avez-vous rencontré l’Eglise ?
Je crois que je suis toujours guidée dans ma vie. Je suis sortie de mon pays mais il y avait une raison : dans des circonstances terribles j’ai rencontré une autre famille qui m’a nourrie intellectuellement, affectivement et culturellement…
Plus tard, je vais à Paris, j’étudie la peinture et je ne trouve pas de travail parce que le dessin ça ne nourrit pas son homme évidemment ! Et tout d’un coup je réponds à une petite annonce qui cherche un prof de français en Suisse dans une école privée.
J’ai toujours cru en Dieu, j’ai toujours prié depuis que j’étais toute petite et je sais que maman priait. Moi je parlais à Dieu et vraiment je croyais en lui, mais je n’aimais pas tellement les religions. Ma meilleure amie était catholique et me parlait de son Église mais moi je n’aimais pas du tout les choses organisées. J’étais un esprit libre !
Un jour, en allant à l’école je vois, par la fenêtre de l’autobus une petite affiche qui dit : Voulez-vous apprendre l’anglais ? Je me suis dit, au retour, je vais noter l’adresse.
C’est drôle, j’ai toujours voulu apprendre l’anglais ! Alors ce soir-là on est allé au cours d’anglais (j’avais emmené ma sœur avec moi en Suisse) et on est tombé sur des gens très sympathiques, des filles et des garçons. (Vous pouvez imaginer qui ils étaient). Ensuite quelqu’un s’est mis au piano et on commence à chanter. J’adore ça chanter, danser, dessiner… Ma sœur et moi, on est contentes comme tout. À la fin ils font une prière. Je dis : « ça alors c’est bizarre une prière ! » A la fin on était les dernières et quand le missionnaire ferme la porte, je me tourne et je vois écrit Eglise de Jésus Christ des Saints des Derniers Jours : Mormons.
Les sœurs missionnaires m’ont enseignée et j’ai adoré tout de suite ce qu’elles me disaient, et ce que je croyais déjà : que Dieu a un corps, « je sais, je lui parle tout le temps, » et que la vie est éternelle. Je croyais tout ce qu’on me disait. J’étais préparée. Je ne buvais pas, je ne fumais pas et ça ne me gênait pas du tout.
Tout était ce que j’avais imaginé, c’était merveilleux ! Et surtout je me disais que ma grand-mère pouvait être scellée à son mari!
Je suis allée à l’École du Dimanche et j’étais plongée là-dedans, c’était merveilleux, et puis tout d’un coup l’instructeur commence à me dire qu’il fallait être baptisée. Je me dis, je ne veux pas appartenir à une organisation. Je voyais mes parents … le chagrin que ça serait pour eux!
Mais je lisais le livre de Mormon, et puis au bout d’un mois je me suis dit : « Il faut que je prenne une décision. » Parce que ce n’est pas honnête d’aller à l’Église tous les dimanches, de lire tous leurs trucs, de dire que c’était bon et de ne rien faire… Ou je les laisse tomber, ou je m’implique totalement et je rentre dans L’Église. Et puis je m’étais liée d’amitié avec les sœurs missionnaires.
Ce soir-là, j’ai prié. J’ai attendu que ma sœur s’endorme et j’ai ouvert le Livre de Mormon au hasard et je suis tombée sur Alma et sur le passage qui disait : « Je vous supplie donc de ne pas différer le jour de votre repentir jusqu’à la fin ; car après ce jour de vie, qui nous est donné pour nous préparer pour l’Éternité, voici, si nous ne faisons pas meilleur usage de notre temps pendant que nous sommes dans cette vie, alors vient la nuit de ténèbres où aucun travail ne peut être accompli. » (Alma 34 :33)
Quand j’ai lu ça j’ai senti l’Esprit. J’ai dit : « il faut que je me baptise ou c’est fini. » Et j’ai senti que la réponse était « oui : Si tu ne le fais pas ce soir, tu ne le feras jamais. »
J’ai téléphoné aux missionnaires et j’ai dit : « Voilà, je veux me baptiser ! » Ils ont répondu : « Formidable ! Quand ? » J’ai dit : « Eh bien, aujourd’hui! »
– Aujourd’hui, c’est notre P-Day.
– Et alors ? (Je ne savais même pas ce que c’était…) Et bien, on peut quand même me baptiser.
– Bien sûr mais il faut trouver une piscine. (Il n’y avait pas de Chapelle à ce moment-là à Lausanne).
– Vous rigolez, vous ne croyez tout de même pas que je vais me faire baptiser dans une piscine ? Non. Moi je veux me baptiser dans la nature : dans un lac, une rivière ou dans la mer, comme Jésus Christ… c’est encore plus merveilleux!
– Mais aujourd’hui c’est le 27 novembre…
– Oui, mais ça ne fait rien!
C’est ainsi que j’ai été baptisé le 27 novembre 1961 en Suisse, dans le Lac Léman.
J’ai beaucoup travaillé dans la mission. Je remplaçais des missionnaires malades, ce genre de choses. Ensuite je suis partie aux Etats Unis pour apprendre l’anglais et y suis restée deux ans, d’abord en Utah puis en Californie. J’avais économisé de l’argent, je donnais des leçons et je faisais du baby-sitting.
Ma sœur s’était fait baptiser un an après moi et mon autre sœur, quatre ans plus tard. C’était très dur pour mes parents mais ça ne les a pas empêché de nous aimer. Ils diraient encore s’ils étaient là, que leurs filles ne pouvaient avoir de meilleurs maris que ceux qu’elles avaient. Mon mari est absolument exceptionnel. Et mes sœurs se sont mariées aussi avec des membres de l’Église. Elles ont fait une mission toutes les deux.
Votre mari est canadien, comment l’avez-vous rencontré ?
Mon mari était missionnaire en France mais on ne s’est jamais rien dit pendant sa mission. J’ai eu beaucoup de chance, je l’ai vu juste à l’Église comme ça, et j’ai su que c’était la personne. Et lui aussi je crois, parce qu’à la fin de sa mission il m’a carrément demandée en mariage et j’ai dit oui ! (Rires) C’est assez extraordinaire ! A ce moment-là, je travaillais beaucoup pour la Mission, j’allais avec la Présidence de Mission et les Autres auxiliaires aux Conférences. Moi, j’étais en charge de l’éducation dans l’Église, comment enseigner, les manuels etc. J’allais avec la femme du Président de Mission qui était une femme extraordinaire mais qui malheureusement est morte dans un accident de voiture.
Vous savez, tout le monde est gentil quand on ne se connait pas très bien, on montre toujours son meilleur côté, surtout entre garçons et filles, et forcément il y a l’attraction naturelle : si on se prend par la main, si on se touche, si on s’embrasse, notre corps bien sûr pense aimer. On se trouve charmants. Mais est-ce vraiment la personne ? Je dis souvent aux jeunes filles, il faut un témoignage spirituel en plus des sentiments, du romantisme et de l’attraction. Quelque chose qui dure quoi qu’il arrive, malgré nos différences.
Moi, je savais que c’était lui. Toute ma vie j’avais voulu épouser quelqu’un qui soit la bonne personne.
Je voulais quelque chose de plus, quelque chose d’éternel. Vous savez, c’était dur ce moment quand nous sommes arrivés au Canada où on était là à côté l’un de l’autre, on ne pouvait pas se toucher sans se sentir en feu ! Je raconte ça aux jeunes filles. Je leur dis combien cette attraction est extraordinaire et merveilleuse mais en même temps comme c’est difficile mais bon d’attendre. S’il n’y avait pas eu le Temple, on n’aurait jamais pu attendre. Mais là, vous pensez au Temple avec l’idée d’Éternité… Alors, quand on met tout cela ensemble avec les années, ça va tenir. C’est incroyable!
Je trouve qu’on a eu une grande chance Dale et moi.
Sitôt revenus du Temple, de retour à Winnipeg, on m’a proposé d’enseigner le français aux fonctionnaires du Fédéral et un an plus tard, mon mari et moi partions enseigner dans le Nord.
On était jeunes mariés et bien sûr on n’avait pas eu encore le temps de se connaître. Mon mari découvrait tout d’un coup mes goûts, moi les siens, c’était vraiment la découverte de l’un l’autre. C’était magnifique!
Découverte aussi du froid et du Nord. Tout d’un coup c’est l’isolement : pas de téléphone, de radio, pas de télé… il n’y avait rien que quelques maisons éparses le long d’un grand lac ! Et je découvre la population indigène, c’est-à-dire les Indiens Cree, les premiers habitants du Canada. Extraordinaire ! Ils sont beaux!
On enseigne des enfants qui au début ne nous parlent pas en classe mais qui s’ouvrent ensuite… c’est une découverte fantastique ! Nous sommes tous les deux seuls ! Là on n’a rien d’autre à faire que s’aimer et lire!
Et vous êtes restés combien de temps dans le Nord ?
Deux ans, et quand nous sommes partis je n’étais toujours pas enceinte. Et je me disais, comment est-ce possible ? Mais c’était encore une bénédiction : comment, vivant dans le Nord, sachant ce qui allait se passer ensuite, aurions-nous pu vivre loin de tout avec un bébé ? Et, au milieu de tout cela, mon mari qui tombe malade ! Si j’avais été enceinte je n’aurais jamais pu le suivre dans ses déplacements pour qu’il puisse voir des médecins, l’accompagner à Winnipeg afin d’être opéré, rester tous les jours auprès de lui et le ramener dans le Nord. Je n’aurais jamais pu faire tout ça.
Après le Nord, mon mari a décidé de reprendre ses études pour faire une Licence de Lettres Modernes. Alors nous sommes partis pour la France, où on est resté deux ans.
J’avais à peine mis les pieds à Nice, que j’étais déjà enceinte ! Je suis persuadée que les choses n’arrivent pas par hasard ! Ce n’est pas par hasard que je suis allée en France, pas par hasard que je suis allée en Suisse… ou que j’ai rencontré mon mari à Paris, pas par hasard que nous sommes allés dans le Nord et n’ai pas été enceinte tout de suite… et si ma fille Alissa, mon premier enfant, est née à Nice quatre ans après notre mariage, suivie de deux autres enfants coup sur coup!
Leur naissance est la preuve que tout est possible. Ils disaient à l’époque que trois césariennes en deux ans ce n’était pas possible. Mais ces trois beaux et bons enfants étaient ceux qui m’avaient été promis dans ma bénédiction patriarcale… ainsi que mon mari. Ces trois esprits devaient vraiment venir.
Pardon je pleure… mais je ne peux parler de mes êtres chers sans être émue… de mon mari, de mes enfants. Ni de mes parents ni de mon autre famille de France sans être émue. Je ne peux parler ni d’art, ni de peinture, sans être émue ! C’est parce que ce sont des choses qui touchent notre cœur… Je vois un film de danse et je pleure, j’écoute de la musique et je pleure aussi. Toutes ces choses sont des choses qui viennent du cœur, qui sont émouvantes qui sont éternelles.
Vous avez enseigné, vous avez aussi peint et illustré des livres pour enfants puis, plus récemment, vous avez essentiellement perdu la vue. Comment est-ce que cela a impacté votre vie et votre foi?
On est avant tout des créateurs, alors quelle chance j’ai eue de pouvoir dessiner, d’avoir peint et d’avoir pu enseigner. J’ai la chance d’avoir cette joie de parler des choses que j’aime, de pouvoir partager mon amour pour tant de choses, des gens de tous les pays, de toutes les races, de toutes les conditions, du monde entier… Je suis tellement heureuse d’être sur la terre, d’avoir vécu, d’avoir un corps. C’est extraordinaire que mes mains m’aient aidée à dessiner, que les mots m’aident à exprimer ce que j’ai dans la tête, les sentiments que j’ai dans mon cœur… de sortir dehors et de sentir le vent, de sentir le soleil et de mettre mes pieds dans la mer. Alors quand les gens me disent : « mais c’est pas juste, vous faites de la peinture et maintenant vous ne pouvez pas peindre, » je dis : « quand une porte se ferme, une autre s’ouvre ! »
Vous ne pouvez pas savoir combien on voit sans ses yeux ! On voit extraordinairement bien, on voit tout ! Mes petits-enfants rentrent dans la maison ou viennent derrière moi et me disent : « comment tu sais que je suis là ? » Je réponds : « j’ai entendu tes petits pas… et puis il y a quelque chose dans l’air qui me dit que tu es là … il y a aussi le parfum et je sais que c’est toi. Tu sais, si je mets juste ma main sur ta tête et bien mon cerveau me met dans les yeux toute ta personne! »
On voit vraiment avec le cœur, c’est Saint Exupéry qui a dit ça et c’est vrai ! On n’a pas besoin de voir… on voit tout, on sait tout sans voir… et souvent mieux qu’avec les yeux!
Je transcris les bénédictions patriarcales que donne mon mari : je suis en train de les taper et tout d’un coup, la personne m’apparait de l’intérieur. Je me dis c’est incroyable ! Cette personne, les gens la voient peut-être telle qu’elle est physiquement, mais moi, je la vois de l’intérieur parce que je l’ai vue avec les yeux de notre Père Céleste et avec ses possibilités.
Pour ce qui est de ma foi, je suis très émue, juste à la pensée de Jésus Christ, parce qu’il est d’une justice incroyable. Et nous, en tant que membres de l’Église, même si nous avons l’air de le suivre, nous ne le suivons pas parce que nous n’avons pas toujours cette ouverture envers les gens qui sont pauvres et envers les gens qui sont rejetés. Je pense que l‘exemple de Jésus Christ c’est qu’il accepte tout le monde ! Mes parents disaient juste ça : nous sommes tous sur ce bateau qu’est notre planète pour un temps, nous sommes tous là pour essayer de nos améliorer. Ça c’est très important ! C’est notre Éternité personnelle, on est là pour s’aider les uns les autres et surtout pour nous respecter les uns les autres.
Vous voyez, la guerre ce n’était rien pour moi, on n’avait pas à manger mais je n’avais pas faim, parce que j’étais entourée d’amour.
Dans l’Église les gens sont aussi une famille. J’ai rencontré partout des personnes formidables. J’ai ma famille d’Espagne et d’ici, comment pourrais-je me plaindre ? On a un corps pour faire des milliers de choses ! Même si je ne pouvais plus écrire, je pourrais parler, si je ne pouvais parler je pourrais toujours serrer les gens dans mes bras!
At A Glance
Nom: Aïda Stevenson
Age: 78
Lieu de domicile: Ottawa, Canada
Situation familiale: Mariée
Enfants: 3 enfants adultes, 11 petits-enfants
Métier: peintre, enseignante, retraitée
Convertie à l’église?: 27 novembre 1961
Écoles où vous avez étudié: Atelier Montparnasse du Maître Didier Tourné, Prix de Rome, ainsi que University of Utah et Long Beach State
Langues parlées au foyer: français, anglais et un peu d’espagnol
Cantique préféré: Seigneur, j’ai tant reçu
Interview produite par Lydia Defranchi