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Racontez-moi d’abord un peu comment c’était de grandir dans l’église en France
Adeline : Nos parents se sont convertis plusieurs années avant notre naissance.
Véronique : Dans les années soixante.
Adeline : Voilà, et donc nous sommes nées dans l’église, nous avons bénéficié tout de suite d’une éducation religieuse, et ça s’est très bien passé. On aimait aller à l’église, on aimait participer aux activités, faire les programmes… on était assez motivées.
Véronique : Très. Nos parents n’ont jamais eu à nous forcer ou nous obliger de faire les choses, on les faisait spontanément et on aimait ça, faire le séminaire, l’institut… il n’y avait pas de soucis.
Et pourquoi pensez-vous que cela a été si facile ?
Adeline : Je pense qu’on avait déjà une mère assez originale et qui n’était pas une mère qui forçait à faire les choses concernant l’évangile, elle n’était pas une mère un peu fanatique, donc on se sentait assez libres. Notre père n’était pas non plus du style à obliger à faire les choses. Je pense aussi qu’on avait comme une grâce de Dieu… c’est un don, on aimait ça naturellement.
Véronique : et puis peut-être un héritage aussi, de par nos ancêtres. Nous descendons d’une branche un peu protestante, des Huguenots qui se sont battus pour leur foi, et peut-être qu’ils nous ont légué un héritage. On peut se demander pourquoi mon père a accepté l’Evangile (il était le premier à l’accepter), donc je pense qu’il y a un héritage religieux, de sorte qu’au moment où les missionnaires sont venus frapper à sa porte, il était prêt. Il ne pratiquait aucune religion, bien qu’il ait été élevé dans la religion protestante, donc il devait y avoir quelque chose… un vent qui soufflait !
Et vous avez toutes les deux servi des missions. Comment est venue l’envie de partir ?
Adeline : Déjà, tous nos frères ont fait une mission. Nous en avons trois, l’ainé a donné l’exemple et puis les autres aussi sont partis. Véronique a toujours parlé de faire une mission, et moi, la petite dernière, c’est pas du tout que je me suis sentie obligée de faire une mission parce que tous les autres en avaient fait une, mais moi aussi j’avais envie de faire une mission. Alors il y a certainement une question d’exemple qui a joué, mais je pense aussi que toutes les expériences de mission qu’ils nous ont racontées en revenant m’ont donné envie de connaitre ça aussi.
Véronique : Et moi j’ai servi en nouvelle Calédonie, au même endroit que mon frère qui était parti quelques années auparavant, et ce fut une expérience très enrichissante. J’ai beaucoup aimé servir auprès de ce peuple où il y a différentes ethnies et qui m’ont beaucoup apporté. C’est quelque chose que je ne regretterai jamais, et dont je bénéficie encore : ce que j’ai appris en mission c’est quelque chose qui me sert encore ici aujourd’hui.
Adeline : D’ailleurs ce qui est amusant, pour la petite histoire, c’est que Véronique voulait aller dans un pays froid de langue anglaise, elle est allée en nouvelle Calédonie, et moi je ne voulais surtout pas rester dans une mission française, et je suis allée dans la mission belge de Bruxelles. Mais, le Seigneur nous connait mieux que nous-mêmes nous nous connaissons, et en fait c’était aussi une expérience e très enrichissante, surtout que je suis retournée là où je suis née, dans le nord, j’ai retrouvé des membres que je n’avais pas vu depuis des années, et c’était une ambiance très chaleureuse, les gens que j’ai eu l’occasion de servir là-bas étaient vraiment des gens merveilleux donc j’ai adoré ma mission. J’ai vraiment compris le coté vital de l’évangile dans ma vie, que ce n’est pas juste quelque chose de bien, de bon, mais que c’est vital, que sans l’évangile je ne suis rien.
Et maintenant vous êtes toutes les deux profs de musique. Comment en êtes-vous arrivées là ?
Véronique : Ben c’est à cause de notre mère.
Adeline : Grâce!
Rires
Véronique : Oui, à cause et grâce, c’est un mélange des deux, parce que c’est une musicienne professionnelle. Elle a son diplôme en piano du conservatoire de Rome. C’est quand même quelque chose de très important dans sa vie, et elle s’est battue, pour que chacun de ses enfants fasse de la musique et sache jouer d’un instrument.
C’est vrai qu’il faut beaucoup de courage parce qu’avec les enfants, on a des moments où on n’a plus envie de travailler, on n’a plus envie de rien faire, et ma mère s’est toujours battue pour que ses enfants continuent, assistent à leurs cours, et ce qui a fait qu’on a eu quand même des diplômes dans ce domaine-là et sur ses 5 enfants il y en a quand même trois dont c’est le métier, et un quatrième qui aussi pendant une période de sa vie a exercé dans la musique.
Adeline : et c’est vrai que la question ne se posait pas de savoir si on avait envie ou pas de faire de la musique. C’était comme de respirer, de manger, de boire, on devait faire de la musique ! Et finalement je suis très contente parce que j’adore mon métier, en fait, c’est vraiment quelque chose que j’aime beaucoup et j’aime enseigner et je ne regrette pas du tout que, quelque part, ma mère ait fait ce choix pour moi.
Véronique : C’est aussi un métier qui permet d’avoir du temps de libre et des horaires assez souples, ainsi qu’ une autonomie qu’on n’a pas forcément dans un autre métier avec le patron sur le dos… là c’est nous qui gérons notre classe, et c’est aussi très agréable d’être avec des enfants.
Adeline : Oui, le contact humain avec les élèves, ce qu’on peut leur apporter, va au-delà de simplement donner un savoir. C’est vraiment le contact humain et ça ne se borne pas simplement à enseigner la musique mais aussi à aider parfois les élèves qui ont des soucis, des problèmes familiaux, et on a parfois presque un rôle de psychologue. Je sais que j’ai certaines élèves adultes, dont une particulièrement qui m’a dit que elle avait commencé à faire de la musique à une période de sa vie qui était très difficile et que ça lui avait permis de s’en sortir au final.
Véronique : Et on a aussi un impact sur leur confiance. Alors bien sûr on ne remplace pas les parents, mais le professeur a toujours un une relation privilégiée avec l’enfant, parce que des fois l’enfant peut être en conflit avec ses parents, il y a des périodes difficiles de l’adolescence, et le professeur, lui, est quelqu’un à part, pour qui c’est le maitre, pour qui on a du respect, avec qui on peut établir un lien. On peut justement aider les enfants à passer des moments difficiles par l’intermédiaire de la musique et par les encouragements et le soutien qu’on peut leur donner.
Et vous n’êtes pas mariées.
Véronique : Non nous ne sommes pas mariées.
Adeline : Pas encore !
Rires
Dans l’évangile on met beaucoup d’importance sur la famille, c’est quelque chose dont on parle constamment. Vous êtes deux sœurs qui habitent ensemble : comment est-ce que vous vivez le concept de famille pour l’instant ?
Véronique : D’abord, et c’est un cas un peu particulier, nous ne nous sommes jamais retrouvées seules. Vivre seule, habiter seule, jusqu’à maintenant ça n’a pas eu lieu et finalement on a toujours eu du monde autour de nous. Que ce soit nos parents, dont on s’est occupé lorsqu’ils étaient malades, et on s’occupe encore maintenant de notre mère, ou la famille étendue : nos frères ont eu des enfants donc il y a les neveux les nièces etc. donc nous sommes une famille.
Adeline : Oui, et pour nous c’est un grand bonheur. On est très contentes d’avoir une grande famille, d’avoir des nièces et des neveux que nous aimons énormément qui nous ont permis de nous occuper d’enfants depuis le plus jeune âge jusqu’à l’âge adulte, et d’avoir un contact privilégié. Et ça, pour nous c’est vraiment une bénédiction.
Et on se dit même que le Seigneur tire toujours quelque chose de positif de situations qui pourraient sembler « négatives » ou difficiles. C’est vrai qu’on n’a pas de mari, c’est vrai qu’on n’a pas d’enfants, mais aussi, on a du temps, on a eu du temps pour s’occuper de nos parents, on a eu du temps pour s’occuper parfois de nos frères, pour s’occuper de nos neveux et de nos nièces, donc c’est une occasion pour nous de partager notre temps avec les membres de notre famille, chose que nous n’aurions peut-être pas pu faire si nous avions eu notre propre famille.
Véronique : Pareil aussi dans le l’Église, on a aussi été responsable des jeunes filles, d’organiser des camps, des conférences, des voyages au temple…
Adeline : Et la primaire. Et on aussi nos amis, des membres de l’église qui sont proches de nous, qui sont comme de la famille pour nous, et avec ces personnes-là on partage des liens très proches qui vont au-delà de l’amitié même.
Et puis vous passez beaucoup de temps avec vos élèves.
Véronique : Voilà. On est entouré d’enfants, on est tout le temps avec des enfants, et d’ailleurs peut-être qu’on est resté enfants ! (rires) On ne vieillit pas, on est toujours avec les enfants.
Une partie importante de votre vie est consacrée au soin de votre mère ; elle habite avec vous, et vous vous occupez d’elle depuis longtemps … il y a parfois des moments où ce n’est pas facile, comment est-ce que vous vivez ça ?
Adeline : Notre mère a quand même été un exemple dans ce domaine parce que c’était quelqu’un qui avait vraiment le souci de sa famille. Elle s’est occupée de sa mère, et elle n’avait pas cet état d’esprit de se dire «bon maintenant j’ai mon mari et mes enfants et je ne m’occupe plus du reste de ma famille.» C’est pas vrai. Et depuis toujours, même quand elle s’est mariée elle a vraiment le souci du bien-être de ses parents, de ses frères, et je pense que on a hérité ça d’elle. Et elle était quand même une mère aimante qui, même si elle n’avait pas un caractère très facile, elle a beaucoup sacrifié, et elle était surtout très généreuse. Mon père me disait que des fois, il faisait le test avec elle lorsqu’elle était en train de manger quelque chose qu’elle aimait beaucoup : il demandait si elle voulait lui en donner et même s’il restait très peu, elle ne refusait jamais !
Et puis les choses se sont faites de manière à ce qu’on puisse s’occuper d’elle, et on est contentes. Pendant un certain temps elle a été en maison de retraite ; après la mort de notre père on s’est occupées d’elle pendant sept ans et c’est devenu très compliqué parce qu’elle ne supportait plus de rester seule quand on travaillait, donc elle est allée en maison de retraite et au bout de quelques années elle a émis le souhait de revenir vivre avec nous. Ça a été un petit peu une question difficile parce que c’était beaucoup de choses à mettre en place, en vieillissant elle est un peu plus difficile, mais on a vraiment senti qu’il fallait qu’elle revienne vivre avec nous. Maintenant ça fait six, sept mois qu’elle est revenue avec nous, et ça se passe vraiment bien : et moi j’ai un sentiment de… de paix. Voilà. Le fait qu’elle soit revenue vivre avec nous, c’est ce qu’il fallait faire.
Véronique : et puis je pense que c’est un petit peu normal, après tout ce qu’ont fait les parents pour nous. Ils se sont occupés de nous, ils ont veillé la nuit, donc c’est la moindre des choses que le jour où eux-mêmes sont fatigués et ont besoin de leurs enfants, les rôles s’inversent un peu. C’est l’ordre normal des choses, et on est bénies, on est aidées, et on a toujours pu trouver des solutions. C’est par devoir qu’on le fait mais c’est aussi par amour… ce qu’on fait avec notre mère, on ne le ferait pas avec tout le monde !
Finalement, on est très bénies d’être membres de l’église, et je ne sais pas ce qu’on a fait avant mais (rires) on a dû faire de bonnes choses quand même ! C’est un plus quand on a cet évangile, d’avoir une directive, de savoir où on va, pourquoi on est ici… et ça nous aide dans les moments difficiles, ça nous donne de l’espoir et de l’aide pour supporter tout ce qui peut arriver. Dans l’Église il y a le modèle « parfait » de la famille, mais après il y a des tas de situations différentes : on peut être veuf, on peut être divorcé, on peut avoir des enfants qui ont quitté l’Eglise, toutes sortes de choses comme ça et dans la réalité ce n’est pas comme le modèle idéal ; mais même si on n’est pas dans cette situation il faut quand même garder ce modèle idéal. Même si dans la vie les choses ne se passent pas comme ça devrait se passer, c’est pas grave, si on garde les commandements, si on fait ce qui est juste, notre Père Céleste nous aide et on peut avoir une vie pleinement productive.
Quelle que soit la situation ; si on applique les principes de l’Evangile, on aura une vie productive, et c’est ça qui est important … et ensuite tous les ajustements qui doivent se faire se feront plus tard. Mais ce n’est pas parce qu’on est seules que on n’a rien accompli et qu’on n’a pas une mission et un rôle à jouer sur cette terre. Il y a de grandes choses qu’on peut faire et ça serait trop bête de passer à côté parce qu’on se lamente sur son sort. Et surtout, avec l’Evangile, je ne me suis jamais sentie seule. Quand on est entourées par une famille, par les membres de l’église, même si c’est pas notre famille, les membres de l’église deviennent notre famille et quand on a le Saint-Esprit, on n’est jamais seule. C’est un sentiment que je n’ai jusqu’à maintenant jamais ressenti.
Adeline : et tout le monde a sa place dans l’Église du Christ. Que ce soit à la société de secours ou quelconque autre organisation, je ne me suis jamais sentie pas à ma place parce que je n’entrais pas dans ce moule de la famille classique. C’est vrai qu’on a tous des vies différentes, et chacun a un parcours qu’on ne choisit pas toujours ! La vie est telle et il faut faire avec et même si on n’a pas eu certaines bénédictions, on en a eu tellement d’autres que ce serait vraiment faire preuve de beaucoup d’ingratitude que de ne voir que ce qu’on n’a pas. Nous avons une vie riche. Éprouvée parfois, c’est sûr, pas toujours facile, mais le Seigneur nous donne tous les moyens de surmonter les épreuves de la vie, et l’évangile nous donne beaucoup de bonheur.
At A Glance
Nom: DEFRANCHI Adeline
Age: 42 ans
Lieu de domicile: TALENCE FRANCE
Situation familiale: CELIBATAIRE
Métier: PROFESSEUR DE MUSIQUE
Convertie à l’église?: membre depuis l’enfance
Écoles où vous avez éudié: CONSERVATOIRES DE BORDEAUX-TOULOUSE-POITIERS
Languages parlées chez vous: FRANCAIS
Cantique préféré: Divin Amour
Interview Produced and Translated by Lydia Defranchi